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Le Système Nerveux


By Eric DEBOUTROIS


 






Le système nerveux est composé du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs.

- Dans le cerveau antérieur ou télencéphale, se situent les lobes olfacto-gustatifs. Il porte la première paire de nerfs céphaliques, les nerfs olfactifs.

- La section suivante est le diencéphale, siège du goût et de l’équilibre interne. Il est relié par l’hypophyse au système endocrinien.

- Le cerveau moyen (ou mésencéphale) est constitué des lobes optiques reliés à la rétine et de plusieurs couches de neurones siège de la coordination.

- Le cerveau postérieur est pour l’essentiel constitué du cervelet. Son rôle est principalement moteur (posture et locomotion). Il communique avec la moelle épinière.

- La moelle épinière parcourt toute la longueur du corps. Elle véhicule les ordres moteurs et les informations sensorielles. C’est également le centre des réflexes.

- Du cerveau et de la moelle épinière partent donc tous les nerfs.


Suivant les espèces, certains sens sont plus ou moins développés ce qui se caractérise au niveau du bulbe par des excroissances des régions sensorielles concernées. Chez les Cyprinidés, le bulbe comporte trois lobes correspondant à une sensibilité gustative très développée.


Le sens olfacto-gustatif

Les quatre barbillons de la carpe, une paire à la commissure des lèvres et une autre (plus longue) au-dessus de la bouche, sont destinés à faciliter la recherche et l’analyse des aliments. Ce sont, par analogie, des papilles gustatives. Les deux grands barbillons contiennent près de 8000 terminaisons nerveuses et les deux petits 3000. D’autres récepteurs sont situés sur les lèvres, les pores de la tête ainsi que dans la bouche et le pharynx. Enfin, deux membranes guident l’eau dans les cavités olfactives situées juste au-dessous des yeux.


La carpe baignant constamment dans les substances dissoutes transportées par l’eau peut donc ainsi en apprécier la sapidité (sucré, salé, acide et amer). Elle pourrait ainsi détecter le calcium dissout lors de la mue d’une écrevisse, elle est également sensible aux acides aminés libérés dans l’eau, au sel (180 fois plus que nous), au sucre (500 fois plus). Il est donc nullement utile, voire même déconseillé, de sur doser les additifs entrant dans les recettes de bouillettes d’une part et d’autre part de se fier à son nez pour choisir un parfum (ça sent quoi le sucre ?).


L'ouïe et l'équilibre

L’oreille est un outil stato-accoustique : c’est à dire qu’elle sert à se situer dans l’espace et à " entendre ".


La partie supérieure sert au poisson à trouver son équilibre. De l’utricule partent trois canaux semi-circulaires perpendiculaires. Les extrémités des canaux s’élargissent et forment des sortes de "contacteurs à bille ". Les billes bougent sur des cellules sensorielles qui, reliées aux nerfs et au cerveau, indiquent au poisson sa position dans l’espace.


L’ouïe est servie par la partie ventrale de l’oreille (le saccule et la lagena). Les carpes perçoivent les sons entre 20 et 6000 Hz. Leur oreille "entend " aussi les vibrations du sol retransmises par l’eau. Les carpes (mais aussi les silures) ont la particularité de disposer d’une chaîne d’osselets, formée à partir des 4 et 5 premières vertèbres (dits osselets de Weber), qui relie la vessie natatoire antérieure au labyrinthe (extrémité de l’oreille). Les ondes ainsi captées par la vessie sont retransmises amplifiées une centaine de fois à l’oreille. On comprend peut-être mieux ainsi l’impact du clonck sur un silure ou celui d’une portière qui claque, sur un troupeau de carpe !


La carpe perçoit aussi via sa ligne latérale et sa vessie natatoire les variations de pression infimes. Les neuromastes de la ligne latérale participent à la perception des ondes et des moindres mouvements d ’eau. La carpe dispose en quelque sorte d’un "radar" très performant qui lui permet de ressentir son environnement, donc de s’y positionner. Elle peut par conséquent trouver son chemin dans le noir le plus obscure, voire sa pitance pour peu que celle-ci soit en mouvement.


Elle semble également sensible aux variations de la pression atmosphérique. Les chutes de pression annoncent et déclenchent, été comme hivers, des phases d’alimentation. De même des hautes pressions persistantes en période hivernale peuvent annoncer des périodes de gel et déclencher l’appétit des poissons, alors qu’en été un scénario identique est signe de chaleur, d’absence de vent donc d’eau peu oxygénée et de carpes au métabolisme réduit moins portées sur la nourriture.


La vue

Le cristallin de l’œil sert à faire converger les rayons lumineux d’un objet sur la rétine. Chez l’homme le cristallin peut se déformer pour accommoder l’image de 15cm à 60m. Chez la carpe le cristallin à la forme d’une bille indéformable. Certains auteurs ont dit la carpe myope (mauvaise vision de loin due à une image formée devant la rétine) alors qu’elle serait plutôt hypermétrope (mauvaise vision de près avec une image formée derrière la rétine). Elle pourrait en fait voir à une dizaine de mètres si l’eau était suffisamment limpide. Le cristallin sphérique qui fait saillie permet à la carpe d’avoir un champ de vision d’environ 180° par œil. Ces deux champs visuels se recoupant, elle a une vision en relief sur 20 ou 30° devant elle. Son œil est motorisé par trois paires de muscles. Lorsqu’elle regarde vers le haut elle voit dans un cône d’environ 50° de part et d’autre de la verticale.


Les cellules photosensibles de la rétine (cônes et bâtonnets) transforment ensuite les grains de lumière en influx nerveux. C’est finalement le cerveau (Tectum opticum) qui traite cette information, qui décode et construit l’image.


La forme du cristallin permet aussi de capter le maximum de lumière et si la vision des carpes semble bien adaptée aux faibles luminosités, elles n’ont cependant pas comme nous la possibilité de s’adapter à l’intensité lumineuse en jouant avec l’ouverture des pupilles. Une trop forte luminosité, ou une trop longue exposition peut fatiguer les cellules visuelles. Ceci expliquant peut-être cela, mieux vaut limiter au minimum indispensable l’usage de la lampe frontale pour faciliter la mise à l’épuisette. De même, le simple fait de cacher les yeux d’une prise limite les soubresauts dangereux sur le matelas de réception. Dans une semi-obscurité les bâtonnets, surtout sensibles à la lumière bleu-vert, sont les seuls à pouvoir fonctionner et alors qu’il devient très difficile voire impossible de différencier les couleurs, les variations de luminosité sont encore décelables.


Tout comme la lumière, les couleurs diminuent donc avec la profondeur (en fonction de la turbidité de l’eau). Ainsi le rouge faiblit vers 4 m pour devenir marron vers 7 m, le jaune devient verdâtre au-delà de 10 m et le vert vire au bleu, seule couleur qui subsiste à 60 m, c’est du moins la perception que nous en avons. Aussi, même si les carpes peuvent avoir une vision différente de la notre, la présence de cônes au niveau de leur rétine laissent à penser qu’elles peuvent voir en couleur (bleu violet, vert, rouge). Certains prétendent qu’elles verraient aussi dans l’infra rouge. Diverses expériences (faites par Hewit, Dimentman et Karas en 1972, et Yakimenko en 1975) sont venues affirmer qu’elles distinguaient bien les couleurs et leurs nuances (opposition clair foncé), et qu’elles pouvaient même les associer à un événement heureux ou malheureux.


Suivant le contexte il est donc envisageable de susciter l’extrême curiosité des carpes en proposant un appât contrastant totalement avec le fond. Pêcher selon ce principe avec une bouillette fortement colorée (jaune ou blanc), qui plus est décollée, peut s’avérer productif. A l’inverse, on peut espérer déjouer leur méfiance en proposant une bouillette à la couleur moins tapageuse (vert, marron voire carrément noir).


La plupart des comportements de la carpe sont des actes réflexes élémentaires, innés, ou des tropismes. D’autres comportements sont acquis par l’expérience à force d'actes répétitifs. Le cerveau de la carpe est loin d’être sur développé et si certains parlent d’intelligence, il semblerait plutôt que les carpes réagissent par mémoire associative, aussi bien en terme de bien être ou de mal être, de positif ou de négatif.

Reproduction et Croissance


By Eric DEBOUTROIS


 Dans les régions tempérées les carpes sont matures entre deux et quatre ans.


L'ovogenèse

L’ovogenèse est directement et doublement liée à la température. Elle nécessite d’une part 1000 degrés jours pour la "fabrication" des œufs. D’autre part la température doit être stabilisée sur plusieurs jours à une vingtaine de degrés pour la maturation finale des œufs (110 degrés jours). Même si ces deux conditions peuvent être réunies en mars dans certaines régions, elles le sont plus fréquemment en mai-juin et peuvent parfois le rester plus longtemps occasionnant alors une deuxième voire une troisième fraye.Les femelles produisent entre 100 000 et 250 000 œufs par kilo. Il arrive que tous les œufs, même matures, ne soient pas émis lors du frai. En règle générale cela a peu de conséquence et le reliquat est résorbé. Plus rarement il constitue un bouchon qui bloque toute nouvelle ponte. La prise de poids qui s’en suit est importante et peut atteindre 50% de la masse corporelle. Cette masse d’œufs peut s’avérer dangereuse voire mortelle pour la carpe. Soit l’intestin est compressé et le poisson meurt d’inanition, soit le ventre finit par éclater. Le fait que les œufs compriment l’intestin, même en situation normale, peut contribuer à expliquer le manque d’appétit de ces dames à l’approche du frai... et leur fringale après !

La spermatogenèse


Les spermatozoïdes sont formés dès l’automne et s’accumulent dans les deux lobules testiculaires jusqu’à la saison de la reproduction, voire plus. Appuyer (gentiment) sur l’abdomen d’une carpe peut donc se révéler comme un moyen de sexage quelle que soit la période.


La croissance

La croissance des carpes est variable selon la variété, le sujet et son environnement.Au bout de trois à sept jours les alevins éclosent. A 3 ans leur poids oscille autour du kilogramme. La prise de poids annuelle varie, pour un sujet adulte, en fonction du milieu. Dans la nature c’est plutôt de l’ordre d’un demi kilo par an alors qu’en pisciculture les carpes peuvent prendre plus d’un kilo par an.Le poids maximum tourne autour de la quarantaine de kilo: 37 kg pour la carpe prise par Marcel Rouvière dans l’Yonne en 1981, 37.3 kg pour celle prise en Roumanie par Christian Baldemair en 1998. Des poissons plus lourds encore auraient été pris : 38 kg en Hongrie en 1947, 40 kg à Calcutta en 1944, 40.5 kg en Bulgarie en 1987, 44 kg au filet en Bosnie…

Le Système Sanguin


By Eric DEBOUTROIS


 Le ventricule du cœur envoie le sang vers les branchies situées à proximité immédiate.


Ainsi oxygéné et débarrassé du gaz carbonique, le sang est récupéré par l’aorte commune puis redistribué par des ramifications dans tout l’organisme. La tête est vascularisée de façon autonome par les carotides. En plus de ce rôle de transporteur d’oxygène, il livre également les différents éléments nutritifs aux organes avant de les débarrasser de leurs déchets. Le sang est à son tour épuré par les reins grâce à un enchevêtrement de vaisseaux capillaires et de petits canaux urinaires. Les reins se trouvent en partie dorsale. Le sang retourne à l’oreillette du cœur par le système veineux.

Le Système Respiratoire


By Eric DEBOUTROIS


 Chez la majorité des poissons les branchies constituent l’organe de la respiration. La carpe avec ses huit branchies n’échappe pas à cette règle. Chacune est supportée par un os solide : l’arc branchial.


Cet arc est affublé d’aspérités appelées branchiospines. Les branchiospines sont disposées en forme de peignes sur deux rangs, un interne, un externe, s’interpénétrant avec les branchiospines des arcs voisins. Un tel tamis sert à filtrer l’eau de ses impuretés protégeant ainsi les lamelles respiratoires. Les lamelles font passer l’oxygène dissout de l’eau vers le sang de ses vaisseaux capillaires et inversement rejettent le gaz carbonique et l’essentiel des déchets azotés sous forme d’ammoniac (5 à 10 fois plus que par les reins).


Le mécanisme de circulation de l’eau est on ne peut plus simple. Une fois la bouche ouverte, le plancher buccal s’affaisse et la cavité s’emplit d’eau. La bouche se referme, puis le plancher en se soulevant refoule l’eau vers les branchies. L’eau s’échappe enfin par les opercules (ouïes) et un nouveau cycle reprend.

Approche Nutritionnelle


By Eric DEBOUTROIS


 Quelques connaissances en sitiologie, biologie et biochimie s’avèrent nécessaires si on veut essayer de s’y retrouver dans la foultitude de recettes et d’ingrédients qui nous sont proposés. C’est du moins la démarche que je vous propose de suivre dans ce chapitre. Avant d’essayer de vous éclairer sur les principaux composants pouvant entrer dans nos bouillettes, ainsi que sur leurs effets nutritifs, je tiens à préciser que tout ce qui va suivre n’est qu’une synthèse de ce que l’on peut lire sur le sujet mais que tout n’est pas pour autant garanti " 100% pur beurre "...


Les chimistes ont montré que parmi les constituants organiques de toute vie, quatre éléments chimiques représentaient à eux seuls environ 95 % du poids sec. Ce sont le carbone (C), l’hydrogène (H), l’oxygène (O) et l’azote (N). Combinés entre eux ils donnent les protides, les lipides et les glucides. Nous allons voir comment ces corps organiques présents en quantité variée dans l’alimentation de la carpe, lui permettent d’approvisionner en énergie ses différents organes ou lui fournissent les éléments nécessaires à sa croissance et à son bon métabolisme

La Carpe Mopse


 By Eric DEBOUTROIS


"  J’ai requillé [épuisé] ce matin un " pépé " qui a une g… binette de cachalot. J’ai jamais vu ça. Tu connais ça ? toi ? ". Cette question, extraite de l’ouvrage du Dr Ernest Sexe (La carpe de Rivière.1936. p6), est celle que nous pourrions tous nous poser face à une telle " bizarrerie " de la nature.


Au XVIème siècle déjà, le Maître Guilaume Rondelet, Docteur régent en Médecine à l’Université de Montpellier décrivait, dans un vieux " françois ", cette " eftrange efpece de Carpe ". Le Dr Louis Roule nous expliquera quatre siècles plus tard, qu’il s’agit non pas d’une espèce de carpe mais tout simplement d’une difformité.Guilaume Rondelet consacre dans son ouvrage de 1558 (l’histoire entière des poissons. p110 et 111), un passage à ce qu’il considère être une espèce de Carpe. Ces lignes, retranscrites dans un français un peu plus moderne, donneraient à peu près ceci : " Le poisson sur lequel ce portrait a été naïvement tiré […] fut acheté à Lion [Lyon], et il n’y eu pas un de ceux qui le virent, qui ne le jugea être Carpe. Car de figure d’écailles, de couleur, d’aeles [de nageoires], de la position de celles-ci, de queue il est tout comme une Carpe, hors mis la tête et le museau. La nageoire du dos a au commencement un aiguillon découpé comme la Carpe. La nageoire d’après le trou des excréments en a un autre. Elles est rouge au bout de la queue, laquelle est large comme chez la Carpe. Les nageoires près des ouies, et du ventre sont semblables à celles de la Carpe, mais la tête n’est pas avancée comme chez la Carpe, mais voûtée comme celle du Dauphin, le museau assez long […] ni plus ni moins que vous le voyez au portrait. Du bout de la lèvre d’en haut, en fin d’ouverture de la bouche et de chaque côté un barbillon pendant comme chez la Carpe, au dessus un autre de chaque côté, tant petit qu’on ne l’aperçoit point, si on n’y regarde de près. "











                                  une "eftrange efpece de carpe"


Le Dr Louis Roule (les Poissons et le Monde vivant des Eaux, T. I. Paris. Lib. Delagrave. 1926) décrit lui aussi la carpe dauphin dans un passage consacré aux poissons monstrueux, et explique les raisons de cette difformité:

" Il n’est pas très rare de rencontrer des poissons à tête raccourcie et globuleuse. Dans les eaux douces, cette anomalie est assez répandue, chez la Carpe d’abord, ensuite chez la plupart des autres espèces. La tête, en ce cas, prend une forme caractéristique, semblable à celle d’un bouledogue ; le front se bombe et s’élargit, laissant la mâchoire faire saillie au-dessous de lui . Ces Carpes, dites mopses ou dauphins, sauf cette malformation, ressemblent à leurs congénères; les autres parties de leur corps conservent les dispositions habituelles ; elles ne sont étranges et monstrueuses que par leur grosse tête courte, dont le contour est copié par la sculpture pour le donner aux dauphins imaginaires qui décorent les fontaines. D’autres espèces, Tanches, Gardons, truites, sont parfois comme elles, mais moins souvent. Des espèces marines, Scombres, Gades, offrent également, parfois, des monstruosités de cette sorte. L’origine est partout la même ; la cause réside dans un arrêt de développement des os du crâne . Ceux-ci, plus petits que dans la normale, réussissent pourtant à s’agencer, et à construire un squelette de tête. L’individu est viable ; il peut devenir aussi gros et fort que les autres ; mais il garde, de sa croissance irrégulière, la tête sphérique qui lui donne son aspect spécial. "



copie (noir et blanc) extraite du Tome I " les Poissons et le Monde vivant des Eaux"


En fait, comme le précise le Dr Sexe, " cette malformation est moins commune que ne l’indique le professeur Roule ". Ni lui, ni son père, " ni aucun des vieux pêcheurs du cher village " de son enfance n’en avait jamais vu, ni capturé… Si nous sommes beaucoup dans ce cas là, Philippe Lagabbe a eu, lui, la " chance " de pouvoir assister à une telle prise et n’a pas manqué de l’immortaliser.

Le Système Locomoteur


By Eric DEBOUTROIS


La peau

La peau de la carpe est formée de deux couches: l’épiderme (couche superficielle) et le derme (couche profonde).L’épiderme contient les glandes génératrices de mucus. Ce lubrifiant favorise l’hydrodynamisme tout en isolant le poisson de l’eau et de ses agents infectieux.


Il convient par conséquent de protéger au maximum ce mucus lors des manipulations, tout simplement en mouillant le tapis de réception par exemple et en arrosant le poisson plutôt que l’essuyer. L’épiderme recèle également les neuromastes, sorte de récepteurs sensoriels dont nous reparlerons par ailleurs.Le derme, renferme les nerfs et les vaisseaux sanguins. Les écailles cycloïdes des carpes résultent d’une ossification du derme sous-jacent ou corion. Une très mince assise d’os repose sur une sorte de "contreplaqué" fait de fibrilles de collagène. Ces écailles, fines et souples, se chevauchent d’avant en arrière comme des tuiles (écaille vient d'ailleurs du germanique "skalja" : tuile). Elles grandissent en fonction de la nourriture disponible au rythme des saisons. Leur étude, la scalimétrie, permet d’estimer l’âge des poissons. Les cernes sombres (ou circuli) correspondent à une stabilité ou une perte de poids généralement due à une période froide (hivers) et les plus claires à un gain de poids (l’été). Une écaille sans strie, plus claire, masque une blessure passée, la perte d’une écaille qu’il a fallu remplacer au plus tôt. Sachant que certains poissons ne grossissent pas pendant plusieurs années, la scalimétrie peut parfois sous estimer l’âge des poissons étudiés. Citons l'exemple de la célèbre " Clarissa ", commune de 20kg prise par Richard Walker en 1952, issue d’un peuplement en 1932 et morte au zoo de Londres en 1971 (donc à 39 ans). L’étude scalimétrique menée post mortem ne lui donnera que 14 ans ! En fait son poids avait chuté durant sa captivité de 20 à 11.700 kg, ce qui ne pouvait pas être lu sur ses écailles. Même si on pense que la longévité maximale peut atteindre 70 voire 80 ans ("Raspberry" avec ses 69 ans en 2001 était la plus vieille carpe connue de Grande Bretagne), une carpe de vingt ou trente ans n’en reste pas moins une vieille carpe qu’il convient de manipuler avec d’autant plus de précautions.



















La coloration des poissons

Les carpes les plus colorées sont sans aucun doute les koïs, lointaines descendantes japonaises de carpes communes, obtenues à force de croisements et de sélections rigoureuses. Les mêmes pigments (jaunes, rouges, oranges, noirs ou blancs) sont contenus dans les chromatophores du derme des autres carpes. Les robes à dominante jaune-orangé sont dues à des pigments de nature caroténoïde d’origine alimentaire (xanthophores et érythrophores). Les peaux brunes, les plus courantes, contiennent de la mélanine (mélanophores) tandis que les peaux blanches ou argentées sont riches en cristaux de guanine (guanophores). Les carpes vivant sur des fonds sombres ont la partie dorsale plutôt brune et la partie ventrale claire. La teinte d’un même individu peut néanmoins varier (pour des raisons diverses et variées liées à la température par exemple) suite à la dispersion ou à la concentration de ces pigments dans les chromatophores et principalement dans les mélanophores.


Les muscles

La masse musculaire du poisson est liée au bilan azoté du régime alimentaire. Elle représente plus de 60% du poids corporel. Le muscle puise son énergie dans ses propres réserves de glycogène. Schématiquement, si l’apport fourni par le milieu (benthos, zooplancton, nourriture artificielle etc.) est juste suffisant pour satisfaire les besoins métaboliques, il n’y a ni perte ni prise de poids. Si l’apport est excédentaire il y a augmentation de la masse musculaire, dans le cas contraire il y a amaigrissement.


Le squelette

La carpe possède, comme quelques 20 750 autres espèces de poissons, un squelette dit osseux  par opposition au squelette cartilagineux des lamproies, esturgeons, raies et autres requins.













1- crâne ; 2 - premières vertèbres soudées entre elles - osselets de Weber ; 3 - corps des vertèbres formant la colonne ; 4 - éléments de soutien (ptérygophores) de la dorsale ; 5 - rayon dur denté de la dorsale ; 6, 8 - apophyses supérieure et inférieure des vertèbres ; 7 - nageoire caudale ; 9 - nageoire anale ; 10 - côtes ; 11- os soutenant les pelviennes ; 12 - os soutenant les pectorales ; 13 - opercules. (source "Poissons" aux éditions Gründ)


La carpe possède donc sept nageoires : une dorsale , deux pectorales reliées à la base du crâne, deux pelviennes en région ventrale, une anale et une caudale de forme homocerque (deux lobes assez symétriques). De toutes, c’est essentiellement la caudale qui assume la fonction locomotrice. Les pectorales servent à freiner et à changer de direction voire à reculer. Les ventrales, la dorsale et l’anale concourent à maintenir l’équilibre vertical.L'arrêt du développement des os du crâne est à l'origine de la malformation des carpes mopses.


La vessie natatoire

C’est une évagination, une protubérance du tube digestif (avec lequel elle reste liée chez les Cyprinidés). Elle joue un peu le même rôle que les ballasts des sous-marins en réglant la profondeur d’immersion en fonction du volume de gaz contenu. Les carpes possèdent l’équivalent de deux vessies natatoires. Celles des carpes proches de la souche sauvages sont de taille identique. Chez les autres la première vessie natatoire, située le plus près de l’œsophage, est deux à trois fois plus petite que la deuxième.

La Carpe en Orient


By Eric DEBOUTROIS


L'histoire de la carpe remonte à la nuit des temps. Elle commence pas très loin du pays des mille et une nuits, quelque part en Asie mineure, entre les régions bordant la mer Noire et les provinces méridionales de Chine. Puis, très certainement à la période post-glaciaire lorsque les bassins des grandes rivières (Rhin, Danube, Dniepr, Volga…) se réunissent, elle se propage à l’Europe centrale. La carpe partage depuis son histoire avec celle des hommes. Elle le suit du nord de la méditerranée jusqu'au pays du soleil levant, empruntant ou laissant au passage un peu à la mythologie avant de se lancer à la conquête de l’ouest à l’ère du christianisme.

Quelle est la part du mythe et celle de la réalité? Peu importe, car c’est aussi ça la part du rêve.


On sait que les Chinois élèvent les carpes depuis longtemps. Fan Li écrit en 475 av. J.-C. que depuis 2689 avant notre ère l’élevage des carpes est associé en Chine à celui des vers à soie, les premières se nourrissant des déjections des seconds. Cette technique quelque peu modifiée à encore cours de nos jours en Chine puisque les effluents des porcheries sont directement déversés dans les étangs pour rentrer dans la chaîne alimentaire. Les techniques évoquées par Fan Li ont donc survécu au temps et correspondent à une certaine réalité scientifique. Certains autres passages sont plus difficiles à comprendre. Il conseilla par exemple la technique suivante au Roi Wei du Royaume de Qi : au mois de février empoissonner un étang comportant 9 îles et 8 vallées (????) avec 20 carpes pleines d’œufs et 4 mâles, au mois d’avril introduire une tortue (????), deux au mois de juin et enfin 3 en août… Pourquoi des tortues ? Fan Li raconte que lorsqu’il y a 360 poissons dans l’étang le dragon vient les chercher, mais que s’il y a des tortues, ils ne s’envoleront pas. Un conseil tout de même à ceux qui comprendraient de travers et qui seraient aussi tentés d’introduire des tortues : vérifiez avant de quel côté est la tête…


Un autre mythe est né dans la vallée du fleuve Jaune (Huang he), berceau de la civilisation Chinoise. Les carpes, seuls poissons capables d’en remonter les chutes symbolisaient force et puissance. La légende raconte que les plus puissantes, celles qui arrivaient effectivement à remonter les cascades du fleuve tumultueux, se transformaient alors en dragon. A ce titre le grand philosophe chinois Confucius (v.555-v.479 av. J.-C.) reçu à la naissance de son fils, une carpe en cadeau du roi Shoko de Ro. L'origine du nom que Confucius aurait donné à son fils (K'ung Li) viendrait de là…















Les koïs (" carpes " en japonais) descendent de cette variété de carpe commune noire élevée en Chine et en Asie orientale bien avant le début de notre ère par Fan Li : la carpe Magoï. Différents ouvrages sur les koïs s’accordent à dire que le premier écrit à relater des variations grises et rouges serait le traité chinois " Yogyokyo ". Là où les avis divergent c’est que les uns le date de 533 avant J.-C. et les autres de 533 après J.-C.. Ce qui est plus sûr c’est que la carpe Magoï arrivera au Japon avec les invasions chinoises (vers 200 avant J.-C.). Etre propriétaire de koï restera longtemps l’apanage de la noblesse japonaise, le peuple se contentant tout bonnement de la grande majorité moins colorée… comme complément du riz. On retrouve en effet trace de l’élevage des carpes au XVIIe siècle dans le petit village de Yamakoshi go proche de Niigata sur la côte nord ouest d’Honshu. Les premières véritables mutations chromatiques rouge, blanche et jaune clair dateraient en fait du début du XIXe siècle alors que les croisements avec des carpes miroirs (apparue en Europe centrale vers la fin du XVIIIe siècle) donnent de nouvelles variétés vers 1910. Il existe actuellement 13 familles et plus de 100 variétés de colorations codifiées.

                        







 

  

magoi(2).jpg (34228 octets)

"Carpe bondissant  dans une chute d'eau"

KYÔSAI KAWANABE (1831-1899)


Au Japon

la religion bouddhiste

a côtoyé le shintô, religion

"officielle", pendant plus de

1500 ans. Cette garde de sabre

datant de la fin du XIXe siècle

représente la divinité Kannon,

déesse de la miséricorde et

protectrice des enfants,

sur le dos d'une

carpe noire.

"Deux carpes dans une cascade"

HOKUSAI (1760-1849)

"Guerrier agrippé à une carpe"

SHUNCHÔ KATSUKAWA

 L’ESTURGEON COMMUN ou EUROPEEN

(Acipenser Sturio)


L’esturgeon commun peut atteindre 3.5m pour quelques 300 kg. Des chiffres de 600 à 800 kg pour une longueur de 5 à 6m restent à confirmer. Un des plus gros sturio pris (dans la tamise) accusait 350 kg. Ce poisson anadrome fréquentait autrefois beaucoup de grands fleuves français (Garonne, Rhône , Loire…) et n’a plus de nos jours de commun que le nom. Sa régression semble due à la sur pêche des adultes et aux prélèvements de juvéniles effectués dans les estuaires ainsi qu’au développement des barrages hydrauliques, à la pollution ou à la destruction des frayères (extraction de granulats). En mars avril les femelles d’une quinzaine d’années remontaient accompagnées chacune par plusieurs mâles généralement plus petits (une dizaine d’année, 2 mètres pour 30 à 40 kg), la fraie ayant lieu de mai à juin sur un lit de graviers dans des eaux profondes. Les femelles pondent entre 300 000 à 2 millions d’œufs. Les géniteurs rejoignent ensuite la mer alors que les jeunes esturgeons resteront un à deux ans dans les eaux saumâtres des estuaires.

L’ESTURGEON SIBERIEN (Acipenser baer


De 50 à 100 voire 200 kg, il habite les grands fleuves sibériens et s’aventure occasionnellement dans les eaux peu salées de l’océan Artique. Depuis une dizaine d’années il est élevé en étang à Montpon-Ménestérol en Aquitaine, mais aussi à Venise ou en Allemagne. Le lac de Curton (33), l’étang de la lande (72) et plus récemment celui de la Grand’Maison à Cheffes sur Sarthe au nord d’Angers (49) permettent sa pêche sportive.

L’ESTURGEON BLANC (Acipenser transmontanus)


Le grand blanc migre entre les grands fleuves de la côte ouest américaine et l’océan Pacifique (baie de San Francisco ou de Vancouver). En 1892 un spécimen de 800 kg aurait été montré à l’Exposition universelle de Chicago. En 1912, un autre poisson de 580 kg pour 3.80m fût pêché dans le fleuve Colombia (entre le Canada et les Etats-Unis). Toutefois le transmontanus ne dépasse qu’exceptionnellement les 500 kg et les 4 m et les spécimens sont plus nombreux aux alentours des 200 kg. C’est un poisson de pêche sportive très prisé des nord-américains. Des plus petits sujets, entre 15 et 30kg tout de même, sont présents à Cheffes.

Jean-Michel Barron avec un baeri de 16.5 kg (mai 2002)

Les Esturgeons


By Eric DEBOUTROIS


 


Dans la famille des Acipenséridés (ordre: Acipensériformes) se cachent 24 espèces d’esturgeons reconnaissables à leur rostre conique moustachu. Avec un squelette partiellement osseux, un corps pentagonal recouvert d’écailles ganoïdes et une colonne vertébrale cartilagineuse, l’esturgeon est un poisson qui a peu évolué depuis 200 millions d’années.



                                                                                        











Sebastien Techeney avec un transmontanus de 21 kg (1998)


La pêche de loisir


En France, le sturio n’a jamais été recherché spécifiquement à la ligne. En revanche nous avons vu que deux espèces peuvent être pêchées en eaux closes : le beari et le transmontanus. C’est une évidence, à voir la position de leur bouche : l’esturgeon fouille et se nourrit sur le fond. Ses goûts sont variés : larves, mollusques, vers, écrevisses, petits poissons et accessoirement graines, bouillettes, granulés de pisciculture (pellets), croquettes pour chiens…


Les amorçages copieux à base de graines ou de pellets sont recommandés d’autant que l’esturgeon ne semble pas du tout avoir la mémoire associative des carpes. Compte tenu de la taille de la bouche, les appâts destinés à l’hameçon peuvent être gros.


Même si la puissance de ces " tarpons d’eau douce " peut mettre le matériel du carpiste à rude épreuve, elle ne nécessite pas encore dans nos eaux d’utiliser un matériel plus puissant. En revanche les montages se doivent d’être résistants : hameçons forts de fer et fils d’au moins 30 à 35/100 en fonction de l’encombrement. La touche, du moins celle du transmontanus, est souvent brutale et suivie de plusieurs sauts ne laissant pas de doute quant à l’adversaire.


Il ne faut pas utiliser de sac de conservation, même de grande taille. La photo et la remise à l’eau doit se faire le plus rapidement possible et Il convient d’oxygéner longuement sa prise avant de la lâcher. Choisissez un endroit où la profondeur vous permettra de rattraper le poisson en cas de problème. En effet l’esturgeon a la fâcheuse tendance de se retourner le ventre en l’air s’il est livré trop tôt à lui même.


Les photos et la remise à l’eau devront se faire le plus rapidement possible. Ne mettez jamais un esturgeon au sac et prenez soin de l'oxygéner longuement avant de le relâcher. Sachez en effet qu'il a la fâcheuse tendance de se retourner le ventre en l’air s’il est livré trop tôt à lui même. Choisissez un endroit où la profondeur vous permettra de le rattraper au cas où...

















Le caviar


D’origine turque ou tatar, le mot " khâviar " signifie en fait "œuf de poisson". Le caviar de Beluga (environ 5% de la pêche) est le plus cher. Il est commercialisé à presque 30 000 francs le kilo, contre 13 000 francs pour le kilo de caviar de sevugra et respectivement 11 500 f et 9 900 f ceux de transmontanus et de baeri. En 2001 le marché mondial annuel représentait environ 150 tonnes contre 8140 tonnes en 1997 et 27 718 tonnes en 1982.














La production de caviar "russe" devrait être en nette diminution du fait de l’interdiction de pêche touchant les quatre anciennes républiques soviétiques bordant la mer caspienne : le Daghestan et l’Azerbaïdjan à l’ouest, le Kazakhstan et le Turkménistan à l’est. Néanmoins l’essentiel du caviar mondial est toujours tiré de la mer Caspienne dont les trois quarts proviendraient d’origine illégale. Depuis la chute du communisme, au début des années 1990, et la fermeture des usines d’état qui à conduit au chômage, cet or noir est une providence pour des centaines de braconniers. Ils bravent les gardes frontières et risquent la prison pour un caviar de contre bande qu’ils revendront à leurs intermédiaires entre 250 et 300 francs le kilo. Ces états n’arrivant pas à faire respecter l’accord passé entre l’ex URSS et l’Iran, la ressource semble en grand danger. Même si la pisciculture d’Astrakhan (Russie) relâche 50 millions d’alevins dans la Caspienne, il en faudrait au moins trois fois plus pour maintenir la population d’après les spécialistes qui annoncent la disparition de l’esturgeon d’ici 15 à 20 ans.


L’Iran, au sud, semble suivre un vrai plan de gestion. 700 pêcheurs sont employés par la république Islamique d’Iran (fonctionnaires) et sont répartis sur une cinquantaine de stations de pêche. La saison dure 4 mois, de mars à juin. L’effort d’alevinage mené depuis des années dans la pisciculture d’Anzali s’élève actuellement à environ 25 millions d’alevins déversés par an, dont 1 million seulement atteindront l’age adulte. L’espoir est d’atteindre une production de 50 ou 100 millions d’alevins par an.


En France la production annuelle de caviar, issue de la pêche, atteignait 5 à 10 tonnes dans l’estuaire de la Gironde pendant les années 20 à 30. Suite à la sur pêche et à la dégradation du milieu le cheptel de sturio a chuté à quelques 4000 individus. Sa pêche est interdite depuis 1982. Si il n’est pas encore possible d’obtenir une reproduction artificielle du sturio, même si le CEMAGREF y travaille, la technique est en revanche bien maîtrisée pour le baeri avec une production annuelle d’une tonne par an.